17/01/2015 13:33

Charlie et les personnalités

rotection policière: outre Zemmour, le nombre de personnalités sous surveillance en forte hausse

Le placement sous protection policière du polémiste Eric Zemmour dans la foulée de l'attentat visant Charlie Hebdo est loin d'être un cas isolé.

Selon nos informations, le nombre de personnalités publiques, responsables associatifs, journalistes et experts bénéficiant d'un accompagnement par un ou deux officiers de police, a fortement progressé ces sept derniers jours, nécessitant le recours à des renforts externes au sein du Service de la protection (SDLP), l'ancien SPHP (pour Service de protection des hautes personnalités) de la Police nationale chargé des missions d'accompagnement de sécurité.

L'officier, Franck Brinsolaro, chargé de la protection du dessinateur Charb et mort à ses côtés lors de l'attaque, avait rejoint le service en 2013. Malgré ses 770 policiers spécialisés, le SDLP devrait connaître une "montée en gamme" de ses effectifs pour faire face à la demande. Une vague de recrutement est en cours mais ces derniers jours, le service a dû faire appel à des volontaires pour trouver "une cinquantaine de renforts qui assureront pour la plupart la fonction de chauffeurs", nous indique Nicolas Comte, secrétaire général du syndicat des gardiens de la paix SGP-FO.

Journalistes, intellectuels, universitaires, experts

Dès la confirmation de l'attaque visant l'hebdomadaire satirique, c'est le SDLP qui a décidé de placer certaines personnalités publiques sous sa protection, comme l'a confirmé le polémiste Eric Zemmour. "Je suis placé sous protection policière depuis l'attentat à Charlie Hebdo, avec deux policiers qui me suivent partout. Je ne l'ai pas demandé. Je subis ça, c'est tout", a-t-il confié à l'AFP, précisant ne pas avoir "reçu directement de menaces".

Rien d'étonnant à cela. Les personnes peuvent elles-mêmes faire la demande d'une protection policière, demande qui est alors évaluée par le SDLP. C'est ce qu'a fait le Front national au lendemain de l'attentat contre Charlie Hebdo en réclamant une "protection particulière" pour sa présidente Marine Le Pen. "Compte tenu de ses attaques récurrentes contre les dérives du fondamentalisme islamique, elle fait évidemment partie des personnalités politiques dites à haut risque. Il faut renforcer sa sécurité après ce qui s’est passé à Charlie Hebdo", confiait un de ses collaborateurs au Parisien.

Mais le SDLP peut décider de son propre chef de proposer sa protection pour "les gens dont les services savent qu'elles sont en danger, soit parce qu'elles ont reçu des menaces, soit parce qu'elles représentent des institutions sensibles, soit parce qu'elles sont exposées médiatiquement", précise Nicolas Comte.

De fait, plusieurs personnalités publiques ont rapidement bénéficié d'une mesure spécifique ces derniers jours. Le journaliste et contributeur du HuffPost Mohamed Sifaoui nous a confirmé avoir été placé sous protection policière. Réputé pour ses enquêtes coups de poing sur les réseaux islamistes, proche du journal Charlie Hebdo en faveur duquel il a témoigné suite à l'affaire des caricatures de Mahomet, Mohamed Sifaoui est apparu très régulièrement dans les médias ces derniers jours.

Le journaliste de LCP et Radio J Frédéric Haziza, cible d'insultes et de menaces répétées émanant de sites islamistes et d'extrême droite depuis deux ans, bénéficie également d'une protection rapprochée depuis les attentats.

Selon nos informations, cette exposition médiatique a également conduit au placement sous protection de journalistes proches de Charlie Hebdo, de la communauté juive, ou engagés contre le fondamentalisme, mais aussi d'universitaires et d'experts médiatiques spécialistes des questions de terrorisme.

Du simple officier à la voiture équipée d'armes lourdes

"J'ai signalé cinq menaces de mort sous la forme de fatwa, quatre en français et une arabe. On m'a conseillé vivement de solliciter une protection. J'ai demandé une évaluation des risques", nous confie Mohamed Sifaoui.

C'est encore une fois le SDLP qui décide de l'ampleur de la protection qu'il estime nécessaire pour chaque personnalité couverte. Tout dépend de la nature de la menace et de l'évaluation de son imminence. Le premier échelon de la protection consiste à placer un individu sous la protection d'un officier, équipé d'un pistolet automatique. Deux officiers, équipés d'armes lourdes (pistolets mitrailleurs) témoignent d'un risque sérieux. Une voiture, banalisée ou pas, peut également être attribuée.

"Dans mon cas, ils ont probablement estimé que le risque était fort puisque cela s'est fait très rapidement", précise notre confrère Mohamed Sifaoui.

Les événements de la semaine dernière ont évidemment relevé le niveau de prudence du SDLP. "On est passé à un stade où tout est possible: le scénario d'une attaque de commando militaire de plus de deux personnes dans un lieu public est désormais plausible", prévient Nicolas Comte.

Pour assurer la continuité des missions 24 heures sur 24, le temps de travail des personnels des différents corps est aménagé, souvent sur un rythme hebdomadaire. Si bien que la protection d'un individu par un agent requiert en réalité la mobilisation de deux officiers de police.

De quoi rapidement épuiser les ressources d'un service déjà très sollicité. "Aujourd'hui les mesures exceptionnelles tiennent grâce aux 10.000 militaires déployés sur le territoire national. Mais si cela perdure, il va falloir repenser la manière dont fonctionne la protection publique et privée", prévient Nicolas Comte.

 

—————

Précédent